
Au début des années 1980, Tears for Fears se fait une renommée dans leur contrée outre-manche avec Mad World et Change et un premier album, The Hurting, plébiscité par le public et la presse. Mais le groupe veut sa place parmi les grands dans le monde. Et c'est ainsi qu'en 1985, avec Songs from the Big Chair, ils nous offrent un album à la fois très sophistiqué et en même temps plus ouvert. C'est très pop, presque léger sur des refrains aux airs facilement reconnaissables, mais c'est aussi des arrangements léchés qui en font quelque chose plus proche du rock progressif et parallèlement toujours très New Wave.
La créativité est présente dans chaque titre. Shout, qui ouvre l'album est un hit instantanée. Sa construction avec une montée crescendo est remarquable avec la batterie qui prend de l'intensité et ce solo de guitare magistral sur la fin. Shout n'est pas un cri de détresse mais un appel à la protestation, inspirée par l'inquiétude concernant la guerre froide. The Working Hour commence par quelques notes au saxophones et des sons de synthétiseurs cristallins qui lui donnent un côté magique. La chanson sonne comme un message d'espoir à se relever et à se remettre de ses doutes et ses erreurs. Chanté par le bassiste Curt Smith, Everybody Wants to Rule the World parle du désir des hommes pour le contrôle et le pouvoir. Sa rythmique pop ponctuée d'accords aux synthés en a fait un classique de Tears for Fears. La première face de l'album se termine par Mothers Talk, un titre au rythme super dansant. Une approche plus commercial que rejettera cependant par la suite Roland Orzabal, principal membre du groupe, malgré une production pourtant génial avec une fin tonitruante et expérimentale qui part dans tous les sens. Prenant le contre-pied de ce que l'ont pourrait attendre d'un début de face, la seconde moitié de l'album commence par I Believe, mélancolique ballade jazz piano voix. Le morceau est dédié à Robert Wyatt, batteur du groupe Soft Machine qui, après une chute de quatre étages qui l'a laisse paralysé des deux jambes, est parvenu a entamer après ça une remarquable carrière solo. La chanson parle de thérapie primale, et du fait de se relever plus fort après une blessure. Sur cette face B, les chansons sont enchainés et avec deux coups de batterie bien senti, on passe à Broken et son rythme saccadés très eighties. Un titre très court, aux paroles froides, qui permet de faire la jonction avec la chanson suivante, Head Over Heels, autre hit de l'album. Il s'agit d'une chanson romantique avec un côté pervers sur la fin mais assez joyeuse avec ses "La La" en ch½urs. Songs from the Big Chair se termine par Listen, un morceau long de presque sept minutes quasiment instrumental et d'une magie rare, planant et sublime.

Avec Songs from the Big Chair, Tears for Fears atteint le sommet de son art. Quoique beaucoup pensent que son successeur, Sowing the Seeds of Love, est le véritable sommet de la discographie du groupe. Le débat se justifie mais pour ma part, bien que j'aime beaucoup les deux, j'ai jeté mon dévolu sur l'album où figure Shout et Everybody Wants to Rule the World, justement pour ces deux titres phares des années 1980, l'insouciance qu'ils dégagent, leurs refrains que l'ont aime à fredonner, mais aussi pour l'ensemble de l'album, très cohérent et fort bien arranger de bout en bout.